dimanche 24 avril 2011

Même les guerres justes méritent d'être expliquées


La France est en guerre, mais les Français préfèrent n'en rien savoir, ou le moins possible. Aux côtés des Britanniques et de seize pays mandatés par l'ONU et coordonnés par l'OTAN, la France est en guerre en Libye depuis désormais plus d'un mois. Mais la discrétion du débat sur la nature, l'évolution et les conséquences de cette intervention est remarquable.
Ce n'est guère surprenant, dira-t-on. Le consensus est général, en effet, à droite comme à gauche, sur la justesse de la cause défendue par la coalition. Qui pourrait contester que, sans cette intervention, les insurgés de Benghazi auraient été écrasés par les forces du colonel Kadhafi ? Qui peut nier que, dans cette hypothèse, le despote qui dirige son pays depuis plus de quarante ans aurait continué à y faire régner la terreur ? Et comment ne pas voir que c'eût été un signal dramatique pour les aspirations du monde arabe à la liberté ?
Certes. Il n'empêche que cette intervention se prolonge et change peu à peu de nature. La création d'une zone d'exclusion aérienne a redonné espoir aux insurgés de Cyrénaïque, mais elle n'a pas fait chuter le Guide libyen, contrairement aux espoirs initiaux. Loin de là, comme on le constate dramatiquement, depuis des semaines, à Misrata notamment.
Français et Britanniques viennent donc de le confirmer : il va falloir intensifier les frappes aériennes et renforcer l'aide aux insurgés. L'envoi de troupes au sol étant exclu, depuis l'origine, par la résolution 1973 de l'ONU qui encadre cette opération, ce sont des " conseillers militaires " qui vont être dépêchés sur place. " Pour organiser la protection des populations civiles ", prend-on soin de préciser à Paris comme à Londres.
Si les moyens mis en oeuvre se renforcent, le but de cette guerre s'est également précisé. Ou, plus exactement, l'implicite initial est devenu explicite, depuis que Nicolas Sarkozy, Barack Obama et David Cameron ont appelé de concert, publiquement, au départ de Kadhafi.
Sinon un enlisement, c'est en tout cas une installation dans la durée et une prudente mais réelle escalade des moyens mis en oeuvre à laquelle on assiste. Voire un engrenage difficile à maîtriser. Cela mériterait débat. Non par goût de la controverse, mais par souci de la pédagogie. La démocratie parlementaire britannique pourrait donner l'exemple : des voix s'élèvent, outre-Manche, contre cette "mission creep" (cette mission à pas de loup), et rappellent que l'intervention américaine au Vietnam, il y a un demi-siècle, avait également commencé par l'envoi de conseillers militaires sur place.
Le parallèle est anachronique ? On veut l'espérer. Mais l'exemple afghan, l'autre théâtre d'opérations de l'armée française, incite à la prudence. Depuis bientôt dix ans, des soldats français luttent - et meurent - du côté de Kaboul, contre un ennemi insaisissable. De plus en plus nombreux, même s'ils sont tenus à la discrétion, les militaires s'interrogent sur le sens de cet engagement. Faute, là encore, d'un débat national sérieux. 

© Le Monde 22/4/2011 Editorial


AA: Qu'est-ce qu'une guerre juste? Si l'on intervient en Libye, pour les arguments légitimes évoqués, pourquoi n'intervient-on pas en Syrie ou au Yémen? Là aussi, les Présidents en place n'hésitent pas à massacrer leurs concitoyens. C'est du droit d'ingérence, peut-être admissible, mais qui doit être précisé. Un mandat des Nations-Unies ne suffit pas...

C'est vrai, de plus, que la démocratie exige que les peuples des pays qui s'engagent aient un droit à être informés. Pour la France, le minimum serait qu'un débat s'instaure devant les Chambres (réunies pour l'occasion). Nous sommes en guerre et nous devons nous contenter des communiqués du gouvernement et des articles des journalistes (certes très précieux, mais parcellaires).
Si débat devant le Parlement il y a, sa retransmission doit être accessible à tous et l'on pourrait imaginer un système d'interpellation du gouvernement par les citoyens. Ce sont quand même ces derniers qui envoient leurs enfants combattre...

Enfin, comment la France peut-elle crier: stop? Devons-nous continuer la guerre en Afghanistan, alors que les choses n'évoluent pas et que nous avons perdu 55 militaires en 10 ans? Quand je dis la France, je pense encore une fois à nos représentants, députés et sénateurs (un vote ne devrait-il pas sanctionner les engagements de notre pays?), mais également à nous-mêmes: un référendum pourrait être utile, même s'il n'est pas déterminant de la décision à prendre. Malheureusement, rappelons-nous que notre constitution est de style...monarchique.

1 commentaire:

  1. Ce dimanche, les chrétiens fêtent Pâques,c'est aussi la journée mondiale de la déportation.

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