mardi 17 mai 2011

Les animaux perturbés par la chimie (1)

Le Monde 14/05/2011
 
Des molécules mimant les hormones, qu'on trouve dans des objets du quotidien, viennent d'être interdites en France en raison de leur impact sur la santé humaine. Mais ces leurres menacent aussi la biodiversité

AA: pour la meilleure compréhension du sujet, j'ai fait des renvois numérotés, en bas de page.




Le 3 mai, les députés français ont adopté en première lecture une proposition de loi interdisant l'emploi des phtalates (1), des parabènes (2) et des alkylphénols (3), substances utilisées dans les plastiques et les cosmétiques et suspectés de nuire à la fertilité masculine ou de provoquer des tumeurs du sein. Le même jour, une coalition internationale d'ONG rendait publique une liste de vingt-deux " substances chimiques extrêmement préoccupantes ", parmi lesquelles des "ingrédients courants de nombreux produits et biens de consommation". Mais ces "perturbateurs endocriniens"(4), puisque c'est d'eux qu'il s'agit, ne sont pas dangereux seulement pour la santé humaine. Ils exercent aussi un effet non négligeable sur la faune sauvage. Et donc sur la biodiversité tout entière.
Pesticides, produits chimiques industriels, médicaments, ainsi que certaines substances produites naturellement par des plantes ou des champignons: les perturbateurs endocriniens se comptent aujourd'hui par centaines. En 1999, l'Union européenne en donnait la définition suivante : " Une substance ou un mélange exogène altérant les fonctions du système endocrinien, et induisant donc des effets nocifs sur la santé d'un organisme intact, de ses descendants ou sous-populations."

Chargé de maintenir la stabilité interne des animaux pluricellulaires, impliqué dans de nombreuses fonctions vitales, le système endocrinien est régulé par les hormones, qui agissent à de très faibles concentrations sanguines sur certains tissus ou organes. C'est sur la production ou l'action de ces hormones que les perturbateurs exercent leurs effets, dont les plus visibles sont une baisse de fertilité, des altérations de la reproduction et de la croissance.
Depuis les années 1990, les études scientifiques visant à mesurer les effets de ces substances sur les milieux naturels n'ont cessé de se multiplier. " Leurs conclusions sont éloquentes ", rappelle le Fonds mondial pour la nature (WWF), qui organisait le 28 avril à Paris, en association avec le Réseau environnement santé (RES), une journée d'information sur ce thème. Car les perturbations sont recensées dans presque toutes les familles animales, chez lesquelles apparaissent des anomalies anatomiques, reproductives, immunologiques, voire comportementales.

(1) Wikipedia: plastifiants utilisés couramment dans les matières plastiques et d’autres matériaux. En règle générale, les plastifiants les rendent souples, flexibles, ils améliorent la tenue aux chocs et au froid, l'allongement à la rupture et facilitent la mise en œuvre (par exemple en abaissant la température de transformation). Présents dans : produits, mastics pour automobile ; revêtements pour les planchers et murs ; isolants pour câbles et fils souples ; produits de grande consommation en plastique cosmétiques et produits de soin personnel ; matériel médical ; jouets et produits destinés aux enfants ; emballages alimentaires ; jouets sexuels

Dans les cosmétiques ils sont notamment incorporés comme agents fixateurs afin d’augmenter le pouvoir de pénétration d’un produit sur la peau ou d’empêcher le vernis de craquer.

(2) composant dont les propriétés antibactérienne et antifongique font qu'il est généralement utilisé comme conservateur dans les cosmétiques (shampooings, des crèmes hydratantes, mousses à raser, gels nettoyant), les médicaments (bien tolérés) et les aliments ( à l'état naturel dans les mûres, jus de fruits de la passion, vin blanc, vanille Bourbon: pas de problème; comme conservateurs: plutôt à éviter)


(3) présents dans les détergents, les cosmétiques, les produits de nettoyage et une large gamme de produits industriels.

(4) agissent sur l'équilibre hormonal d'espèces vivantes (animales ou végétales). Elles sont souvent susceptibles d'avoir des effets indésirables sur la santé en altérant des fonctions telles que la croissance, le développement, le comportement, la production, l'utilisation et le stockage de l'énergie, l'hémodynamique et la circulation sanguine, la fonction sexuelle et reproductrice.
Ces molécules agissent à très faible dose; Elles ne sont pas toxique au sens habituel du terme (empoisonnement) mais peuvent perturber l'organisme de façon discrète, parfois difficile à reconnaître.
Elles peuvent avoir un impact sur un individu, et parfois sur ses descendants (p. ex. Distilbène chez la femme et ses descendantes) ou sur des populations entières (p. ex. : escargots marins ou faune piscicole vivant dans des zones où des perturbateurs endocriniens sont très présents).



Catherine Vincent
© Le Monde

A suivre

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