vendredi 20 mai 2011

Les experts du climat valident les énergies vertes Le Monde 11 mai 2011


Selon le GIEC, la part des sources renouvelables pourrait approcher 80 % en 2050, pour un coût abordable




Les énergies renouvelables pourraient couvrir près de 80 % de la consommation mondiale d'énergie dès 2050, ce qui réduirait d'un tiers les émissions de gaz à effet de serre, estime le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC), dans un rapport très attendu présenté, lundi 9 mai, à Abou Dhabi.
Mieux : alors que de nombreuses voix mettent en doute la capacité des sources renouvelables à satisfaire les besoins de la planète, le solaire et l'éolien ne produisant de l'électricité que de manière intermittente, les 120 scientifiques réunis par les Nations unies affirment que " le potentiel technique des énergies renouvelables dépasse la demande actuelle ".
Les énergies renouvelables représentent aujourd'hui, en comptant la cuisine au feu de bois, 13 % de la production mondiale. Mais moins de 2,5 % de leur potentiel est utilisé, selon les chercheurs. " Ce n'est pas tant la disponibilité des ressources que les politiques publiques qui permettront ou non de développer les énergies renouvelables ", résume l'économiste cubain Ramon Pichs, l'un des trois coprésidents de ce groupe de travail.
Comme les rapports sur le changement climatique, rendus par le GIEC tous les cinq à six ans, ce travail réunit les données scientifiques disponibles en une synthèse de 1 000 pages, elle-même condensée de manière consensuelle sous la forme d'un " Résumé à l'intention des décideurs " de 25 pages, discuté et approuvé ligne par ligne par l'ensemble des délégués des 194 pays membres du GIEC.
Hautement sensible, ce résumé n'a vu le jour qu'à l'issue d'une âpre négociation - certains pays pétroliers comme l'Arabie saoudite, Oman et le Qatar ayant été " très actifs pour retarder les travaux ", selon un négociateur. Lors de la présentation du rapport, lundi, la principale intervention du représentant des Emirats arabes unis, Sultan Ahmed Al-Jaber, a d'ailleurs consisté à rappeler que " l'énergie nucléaire et les techniques de capture et de stockage du CO2 avaient toute leur place " dans les stratégies de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
C'est que le document du GIEC touche au nerf de la guerre du climat : quelle politique énergétique subventionner ? A quel rythme se débarrasser des ressources fossiles ? Les scientifiques se gardent bien de préconiser des choix. Mais " le rapport montre clairement que les énergies renouvelables ont un fort potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qu'un large déploiement de ces énergies est possible et que l'absence des énergies renouvelables accroîtrait le coût de la réduction des émissions de CO2 ", estime l'un de ses coprésidents, l'économiste allemand Ottmar Edenhofer.
Evaluant le potentiel, le coût, les tendances du marché et les innovations de six sources d'énergie renouvelable (bioénergies, solaire, géothermie, éolien, énergie marine et géothermie), ainsi que leurs impacts sociaux et environnementaux - bilans énergétiques, cycle de vie des matériaux utilisés -, les scientifiques projettent leur croissance en fonction de 164 scénarios possibles.
Si l'hypothèse la plus basse prévoit une part de seulement 15 % en 2050, la plupart des projections s'accordent sur " une hausse significative " des énergies renouvelables : plus de la moitié des scénarios montrent une part d'au moins 17 % en 2030, et 27 % en 2050.
Ces chiffres ne se réaliseront pas d'eux-mêmes. Un accroissement notable des énergies renouvelables constitue " un véritable défi tant technique que politique ", estime le GIEC. Selon les scénarios, les investissements requis oscillent entre 951 milliards et 3 565 milliards d'euros d'ici à 2020, et entre 1 041 milliards et 5 016 milliards pour la décennie suivante. " Ce coût reste dans tous les cas inférieur à 1 % du PIB mondial, cela montre que les énergies renouvelables sont abordables ", souligne le président du GIEC, Rajendra Pachauri.
Les technologies des énergies renouvelables sont, dans certains cas, déjà compétitives, mais les coûts de production sont encore souvent supérieurs à ceux des énergies fossiles, reconnaît le GIEC. Le progrès technique, associé à des politiques publiques ciblées, devrait faire baisser ces coûts. " Donner un prix au carbone permettrait aussi à davantage d'énergies renouvelables de devenir compétitives ", ajoute M. Edenhofer.
Principale difficulté soulignée par le GIEC : l'adaptation des réseaux électriques. " La part des énergies renouvelables devrait augmenter même en l'absence de nouvelles mesures propices ", estiment les chercheurs. Mais cela " entraînera de nouvelles difficultés d'intégration dans les systèmes énergétiques existants et les secteurs d'utilisation finale ", au risque de limiter l'efficacité des politiques de lutte contre le réchauffement.
Ce document sera intégré au cinquième grand rapport du GIEC sur le changement climatique, prévu en 2014. En attendant, il pourrait devenir la bible des énergies renouvelables : dans le domaine de l'énergie plus que dans tout autre, des chiffres souvent contradictoires circulent, sans qu'il soit aisé de distinguer des informations validées par la science et des contrevérités diffusées par certains lobbies.
"  Il y avait un fort besoin de synthèse : beaucoup d'expériences ont été menées autour des énergies renouvelables, comme la mise en place des tarifs de rachat de l'électricité produite par l'éolien, et toute une littérature scientifique a bourgeonné pour évaluer ces expériences ", explique Alain Nadaï, chercheur au Centre international de recherche sur l'environnement et le développement, l'un des principaux auteurs du rapport.
Les membres du GIEC appellent maintenant les politiques à s'emparer au plus vite de leurs conclusions.
Grégoire Allix et Stéphane Foucart

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