samedi 30 juillet 2011

Algues vertes : l'insupportable déni


28 juillet 2011 
Editorial

Lorsque les faits sont importuns, il suffit de mettre en doute leur existence. Ce détestable principe semble avoir un avenir radieux, dès lors que remédier à des dégâts environnementaux ou sanitaires indispose des intérêts économiques.

Les faits sont simples : il s'agit de la responsabilité des effluents agricoles dans la prolifération des algues vertes qui défigurent le littoral breton depuis plus de trente ans et qui reviennent au centre de l'attention avec la découverte, mardi 26 juillet, de plusieurs sangliers morts sur une plage souillée des Côtes-d'Armor.
Les chercheurs compétents ne doutent pas du rapport de cause à effet entre pratiques agricoles et prolifération d'algues vertes. Mais, de manière croissante, un discours se fait jour pour contester ce lien solidement établi par plus de deux décennies de recherches. Discours notamment relayé par un " Institut de l'environnement " qui n'a d'institut que le nom, et dont la communication ne repose pas sur des travaux dûment publiés, c'est-à-dire passés par le filtre de la revue par les pairs.

Ce déni de la science a été tant relayé que, sous la pression des syndicats agricoles, le préfet de la région Bretagne a été conduit à demander aux organismes publics de recherche une synthèse des certitudes sur le sujet.
D'un point de vue scientifique, cette nouvelle étude ne s'imposait pas vraiment. Peut-être sera-t-elle malgré tout utile à l'hôte de l'Elysée. Car le déni frappe aussi au sommet de l'Etat. " Sur cette affaire d'algues vertes, il serait absurde de désigner des coupables, de montrer du doigt les agriculteurs, qui font d'énormes progrès en la matière ", avait déclaré Nicolas Sarkozy le 7 juillet à Crozon (Finistère), ajoutant qu'il y " aurait toujours des intégristes pour protester ".

De fait, lorsque des intérêts particuliers sont en jeu, le constat scientifique est souvent ramené à un " intégrisme " écologiste par le biais d'opérations de propagande savamment orchestrées. Des campagnes auxquelles les politiques semblent bien perméables. Cette inquiétante perméabilité est notoire aux Etats-Unis, où une bonne part des élus républicains contestent la réalité ou les causes du changement climatique...
La France n'échappe pas à ce travers. Le scandale de l'amiante - dont la nocivité, connue depuis le début du XXe siècle, ne faisait plus aucun doute dès les années 1960 - le rappelle. Dans ce cas précis, la porosité des pouvoirs publics aux doutes artificiellement entretenus par les industriels a été meurtrière. On sait ce qu'a coûté cette inadmissible incurie.
La question des algues vertes n'est bien sûr pas aussi dramatique que celle de l'amiante. Mais, dans tous les cas, repousser pour de mauvaises raisons la gestion d'un problème sanitaire ou environnemental en rend invariablement la résolution plus ardue et ses conséquences potentiellement plus graves.

Il est possible de nier les lois de la nature : à court terme, c'est à peu de frais. Mais elles finissent toujours par se rappeler à nous.

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