samedi 19 novembre 2011

André Delelis est toujours aussi lucide...

Nord-Eclair. 2 articles publiés le samedi 19 novembre 2011

 "André Delelis, 87 ans et toujours fer de Lens"


Conseiller général, régional, député, sénateur et même ministre de Mitterrand, André Delelis, « autodidacte sans complexes », devenu un tantinet donneur de leçons, a collectionné les mandats.

Mais son préféré reste celui de maire de Lens. Élu pour la première fois en 1966,  il a tiré sa révérence en 1998, juste après la coupe du Monde au stade Bollaert et le titre de champion de France des Sang et Or, son deuxième amour après la politique.

PROPOS RECUEILLIS PAR GAËLLE CARON ET CÉLINE DEBETTE

Depuis votre retrait de la scène publique, avez-vous rompu avec la politique ?

 J'ai abandonné volontairement toutes mes fonctions en pensant que j'allais me reposer, mais mon esprit est toujours en mouvement. On ne peut pas empêcher le maire que j'ai été pendant 32 ans de s'intéresser à la vie de sa commune et de penser à la place des décideurs actuels. Quand on a envie de transformer la société, ça ne s'en va pas du jour au lendemain. On est pour toujours en politique.

Vous n'êtes pas tendre avec Guy Delcourt, votre successeur. Pourquoi ?

Lorsque mon choix s'est porté sur lui, j'avais écarté toute autre candidature, car je considérais qu'il était le plus à même de prendre ma succession. Je me suis trompé. Ou plutôt, lui m'a trompé. Devenu maire, il n'a pas eu le comportement qu'il avait étant adjoint. Je lui avais dit : « fais attention, la ville que je te transmets a trois pôles importants que peu de villes de 35 000 habitants possèdent et auxquels il ne faut pas toucher : la fac, le centre hospitalier et le stade Bollaert ». Sans compter la rocade minière. Il a fait le contraire de ce que je lui avais recommandé : il a abandonné deux fois la présidence du conseil d'administration de l'hôpital, il a signé un bail emphytéotique pour le stade Bollaert, il refuse l'Euro 2016 et maintenant il parle de privatiser l'A21... J'ai le sentiment qu'il s'attaque à tout ce qui faisait ma fierté. Il a une volonté de détruire qui m'étonne et soulève une très forte réprobation de ma part. Je l'appelle le démolisseur.

Il a quand même obtenu le Louvre...

 Le Louvre n'est pas l'oeuvre de Guy Delcourt, mais de Daniel Percheron seul. Lens a été choisi car l'État ne voulait pas mettre un sou dans le projet et cherchait donc une ville qui ait la même étiquette politique que les collectivités territoriales susceptibles de financer la construction. Il fallait laisser les socialistes se débrouiller entre eux.

Guy Delcourt a déjà fait savoir qu'il quittera son mandat avant terme. Cela vous étonne-t-il ?

Il sait qu'il va être battu, c'est pourquoi il ne veut pas se représenter. J'ai conservé assez d'audience au sein de la population pour l'affirmer.

Comptez-vous donner votre avis sur le choix du successeur ?

Oui. J'ai commis une erreur que je dois réparer. Je dois aux Lensois de leur rendre un maire. Je n'ai rien raté de mon bilan sauf le choix des personnes. Le moment venu, je conseillerai la population. Aujourd'hui, c'est trop tôt. On ne désigne pas un candidat six mois à l'avance, car on n'est jamais à l'abri de surprises.

La fédération socialiste du Pas-de-Calais a-t-elle son mot à dire à ce sujet ?

Sûrement pas. Elle est la dernière à pouvoir être consultée. La section de Lens me refuse ma carte tout en souhaitant que je reste militant. C'est hypocrite. On me reproche d'avoir déclaré après les municipales qu'être en ballottage au premier tour c'était une défaite. Ça n'a pas plu.

Justement, quel regard portez-vous sur le PS 62 et son fonctionnement ?

Il manque d'autorité et laisse pourrir des situations. Je constate qu'à Hénin-Beaumont, les leaders socialistes n'ont pas sanctionné Gérard Dalongeville (l'ex-maire mis en examen pour détournement de fonds publics, ndlr) comme ils auraient dû le faire. Ce sont des erreurs à mettre au passif de la fédération. Elle ne représente plus les valeurs socialistes auxquelles je croyais. Elle n'applique même plus les statuts du parti.

Vous avez toujours considéré que le mouvement ouvrier était la base du socialisme. Ne pensez-vous pas que le PS a abandonné cette base et favorisé la montée du FN ?

Tout à fait. Plutôt que de s'occuper des problèmes des gens, la fédération a préféré faire de la distribution de mandats en récompense du comportement de certains ou de certaines. Elle a eu de la chance que le parti communiste était en déclin, car il aurait récolté ce qu'elle a perdu de sympathisants.

Au cours de votre longue carrière politique, avez-vous côtoyé Dominique Strauss-Kahn ?

Je ne l'ai rencontré qu'une seule fois, au Sénat, et c'est curieux, c'était à la porte de l'ascenseur ! On n'a pratiquement pas échangé. Nous n'allions pas au même étage !

Que pensez-vous du traitement médiatique qui lui est réservé ?

Il l'a cherché. Je ne vais pas pleurer sur son sort. Il a fait des bêtises, à lui de les réparer. Il avait tout en main, une chance extraordinaire de réussir. Il l'a ratée. Inch'Allah. Le PS n'a pas besoin de lui.

En mai 2012, mettrez-vous un bulletin Hollande dans l'urne ?

J'ai toujours voté socialiste. Ce n'est pas aujourd'hui que je vais changer. Jaurès, Blum, Mitterrand... C'est le seul parti qui peut se prévaloir d'avoir eu de grands hommes. François Hollande doit encore acquérir de l'envergure et un certain charisme. À mes yeux, il était le seul capable de représenter le PS, mais je n'étais pas prêt à monter sur les barricades pour lui. Ni pour un autre d'ailleurs.







« Il faut que tout le monde se mobilise à Lens, y compris le maire, pour sauver le RCL »

Sa cravate Sang et Or en témoigne. Le coeur d'André Delelis vibre toujours pour le Racing. Mais celui qui fut à l'origine des travaux d'aménagement du stade Bollaert, en 1984 et 98, ne cache pas son inquiétude quant à l'avenir du club de foot.

Comment a commencé votre histoire d'amour avec le Racing club de Lens ? 
Ma liaison avec le Racing a débuté dès que je suis arrivé à Lens. Je me suis investi totalement par amour du foot, mais aussi parce que j'étais le premier magistrat de la ville. Je ne pouvais pas y échapper.
En tant que maire, quel rôle avez-vous joué dans la vie du club ? 
En 1968, après le retrait des Houillères, nous avons été obligés de diriger le club, mais j'ai toujours veillé à ce qu'on reste minoritaire au sein du conseil d'administration et j'ai favorisé l'accession d'un président qui ne soit pas membre de la municipalité. Nous avons réussi à remettre le Racing d'aplomb. Si Guy Delcourt avait été maire en 1968, le club serait déjà mort depuis longtemps ou il jouerait contre Izel-les-Equerchin !
En 2002, le maire actuel a signé un bail emphytéotique avec le club pour le stade Bollaert. Vous ne l'avez toujours pas digéré... 
Guy Delcourt ne veut pas du club. Laisser le Crédit Agricole décider de son avenir est grave. Il faut que tout le monde se mobilise à Lens, y compris le maire, pour sauver le RCL, car il est au bord du gouffre financier. Ne devenons pas Reims, Strasbourg, Nantes ou Metz. Il faut penser aux supporters. Le rôle du maire est de ne pas négliger un club qui attire parfois plus de monde dans son stade qu'il n'y a d'habitants dans la ville. Quel club de Ligue 2 peut se prévaloir d'attirer plus de spectateurs que certains clubs de L1 comme Lille ou Valenciennes ? C'est une performance extraordinaire, il nous faut la conserver. Pour cela, la Ville doit supprimer ce bail et devenir maître d'ouvrage de l'Euro 2016.
Gervais Martel a-t-il lui aussi sa part de responsabilité ? A-t-il commis des erreurs ?
Qui n'en commet pas dans la gestion des clubs professionnels ? Je ne vais pas blâmer Gervais Martel parce qu'il est l'auteur de quelques choix malheureux, des choix de personnes surtout. Aujourd'hui, il n'est plus en état d'assurer la survie financière du club. Que peut faire un président qui n'a plus de pouvoir ? Le Crédit Agricole peut se désengager du jour au lendemain et on n'aura plus que nos yeux pour pleurer.
Avec la proximité du Louvre Lens, le stade doit-il s'ouvrir à d'autres activités que le foot ?
Faut pas rêver ! On ne va pas mettre un casino, un hôtel ou un restaurant à Bollaert ! Le stade est une chose, les activités commerciales une autre. Ne mélangeons pas les projets, surtout irréalisables.
Quel est votre plus beau souvenir de foot ?
J'ai vécu des heures extraordinaires avec le Racing : la victoire à Wembley en coupe d'Europe, le titre de champion de France, la victoire en finale de coupe de la Ligue. Tous ces souvenirs ne peuvent pas disparaître du jour au lendemain. Aujourd'hui encore je vis personnellement chaque rencontre et je voudrais voir le Racing gagner tous ses matches. Je reste un fervent supporter et j'ai de la peine de voir le club dans une telle situation. Je me demande s'il va survivre.

1 commentaire:

  1. Pour mémoire :
    http://www.liberation.fr/france/0101201618-le-maire-de-lens-en-garde-a-vue-la-police-enquete-sur-un-marche-de-renovation-du-stade-bollaert-pour-le-mondial

    RépondreSupprimer