vendredi 17 février 2012

Sur les propos insupportables de M. Guéant, la voix de son maitre


Les propos du ministre de l'intérieur sur la hiérarchie des civilisations font polémique et sèment la confusion. Une grande anthropologue éclaire le débat et défait les préjugés. Entretien avec Françoise Héritier, professeur honoraire au Collège de France (Le Monde.fr). Le texte original est très long (mais passionnant): j'ai donc procédé à des amputations importantes.

Que pense l'anthropologue que vous êtes des propos du ministre de l'intérieur Claude Guéant, qui a affirmé que "toutes les cultures ne se valent pas" et qu'"il y a des civilisations que nous préférons" ?

Je ne sais pas s'il faut y voir une marque d'opportunisme politique en toute connaissance de cause ou s'il s'agit de l'expression de l'ignorance : calcul ou méconnaissance ordinaire de divers savoirs ou même du sens des mots ?

Cette séparation entre la culture et la barbarie est-elle universellement partagée ?

Ethnologues, géographes, linguistes, historiens savent que, en règle générale, le nom sous lequel se désigne une population définie par une culture, signifie " Nous, les humains ". Les autres, autour, au loin, sont des " barbares " (littéralement " ceux qui ne parlent pas comme nous ") ou des " sauvages ", lorsqu'ils sont encore plus éloignés. Chaque société éduque ses enfants dans un rapport de confiance envers les proches (c'est-à-dire essentiellement les consanguins) doublé de méfiance envers les autres, les non-consanguins. Seule la raison analytique permet de comprendre, canaliser, maîtriser ces émotions primaires lesquelles sont fondées sur la prééminence du " même ", du familier, du coutumier, par rapport au " différent ", à l'inconnu, à l'inopiné... L'expérience enfantine de chacun en ce domaine est relayée ensuite par un apprentissage social qui règle étroitement ouverture ou fermeture aux autres, aux non-apparentés ou à ceux qui ne partagent pas le même territoire.

La confusion sémantique règne aujourd'hui. Que faut-il entendre exactement par " culture " et par " civilisation " ?

Le terme " civilisation " est un fourre-tout très vaste. Ce sont de grands ensembles à longue portée historique où se reconnaissent au long cours des schèmes de pensée et des manières d'être, d'agir, de se représenter le monde identifiables selon de nombreux critères : grands groupes linguistiques, vêtements, habitats, dans leurs grandes lignes, mais aussi religions et cultes, systèmes politiques, systèmes artistiques. On a pu ainsi identifier de grandes civilisations, préhistoriques ou historiques : chinoise, hindoue, grecque, méso-américaine, judéo-chrétienne, bantoue, etc...
Le terme " culture ", qui est aussi un terme-valise difficilement définissable, renvoie également à un ensemble de traits associés selon des combinaisons variées et qui définissent des groupes sociaux de plus petite taille relativement autonomes, vivant dans une même aire, parlant une langue ou des dialectes mutuellement compréhensibles, adoptant de mêmes usages politiques et comportementaux, partageant un fonds symbolique commun (c'est-à-dire une grille ou un moule intellectuel qui condense la totalité de leurs expériences et les rend transmissibles.
Monsieur Guéant confond les deux termes et je ne sais trop s'il entend parler de "civilisations" ou de "cultures", ou même simplement d'usages particuliers ou de singularités comportementales. Mais ce ne sont pas tant cette ignorance et cette méprise qui choquent que la méconnaissance totale de ce que les sciences sociales ont apporté depuis une centaine d'années, à commencer par des descriptions, des définitions, des méthodes d'observation, un langage commun. Le ministre pense que son bon sens d'être humain et de Français ordinaire sont suffisants pour porter un jugement définitif dans des domaines de connaissance qui lui échappent. Or il ne suffit pas d'être soi-même un homme pour comprendre ipso facto tout ce qui relève de l'humain.

" Contrairement à ce que dit l'idéologie relativiste de gauche, pour nous, toutes les civilisations ne se valent pas ", a déclaré le ministre de l'intérieur. Qu'est-ce que le relativisme ?

En fait, aussi curieux qu'il y paraisse, Monsieur Guéant est relativiste. Le relativisme ne consiste pas à croire que tout se vaut ni à s'abriter derrière l'argument culturaliste du respect de la différence des coutumes (comme l'ont fait systématiquement les instances internationales pour ce qui est du droit des femmes...), mais à poser en pétition de principe que toutes les cultures sont des blocs autonomes, irréductibles les uns aux autres, si radicalement différents qu'ils ne peuvent pas être comparés entre eux, d'autant qu'une hiérarchie implicite affirme que le bloc auquel on appartient est supérieur en tous points aux autres. C'est ce qu'il fait.

Est-il illégitime de préférer des cultures, ou plus exactement l'état momentané ou l'instant " T " de certaines cultures qui accordent plus de droits aux femmes que d'autres ?

Non, bien sûr. Mais on oublie, en parant notre " civilisation/culture " de toutes les vertus que la domination masculine qui découle de ce que j'ai appelé la valence différentielle des sexes, est universellement partagée. Forgée au cours de la préhistoire, l'idée que les femmes doivent faire des enfants, et surtout des fils pour perpétuer l'espèce, persiste. Mais on ne devrait pas oublier que l'inégalité homme-femme est si structurante et qu'elle est encore tenace en Occident. Or il me semble que, devant cet ordre universel, qui est le modèle de tous les systèmes historiques de domination, qui commence à céder du terrain depuis un demi-siècle seulement en Occident, nous devons postuler que ce chemin difficilement parcouru sera progressivement emprunté par les autres sociétés (cultures) à leur tour. Monsieur Guéant a voulu prendre cet exemple pour susciter une approbation générale. Il ne se doutait pas néanmoins qu'il lui aurait été extrêmement difficile de trouver un autre exemple de portée aussi universelle que celui-là, parce que c'est celui sur lequel ont été fondées les sociétés c'est-à-dire par l'échange et le contrôle des femmes. Il a pris en quelque sorte à rebours appui sur le seul trait universel (avec la prohibition de l'inceste) de toute l'humanité pour rejeter un relativisme de pensée, dont lui-même fait preuve.

Du Discours de Dakar tenu par Nicolas Sarkozy le 26 juillet 2007, selon lequel l'homme africain ne serait "pas assez entré dans l'histoire" jusqu'aux propos de Claude Guéant sur la hiérarchisation des civilisations, y a-t-il une cohérence du sarkozysme ?

Hélas oui. Dire que l'homme africain n'est pas entré dans l'histoire, c'est essentialiser quelque chose qui n'existe que dans la diversité des cultures. Il n'y a pas " l'homme africain ", mais des hommes africains. Les sociétés africaines ont un passé comme un avenir ! Les figer, comme si, de toute éternité, elles devaient vivre dans un présent absolu, est stupide et fallacieux. De même, la volonté de hiérarchiser les " civilisations " ou " cultures ", la nôtre étant considérée comme le point d'aboutissement absolu, est une idée non seulement déplacée mais dangereuse. Cela me peine de le dire, mais j'aurais préféré que des hommes politiques français de ce rang ne profèrent pas de telles énormités, qui entretiennent le racisme.


Propos recueillis par Nicolas Truong




























2 commentaires:

  1. on parle souvent de la crapule socialiste nommée dalongeville.
    mais n'oublions pas qu'il a appartenu aussi, au M.R.C. de bouquillon et alexandre.
    qui se ressemble,s'assemble.

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  2. Guéant - LA VOIX DE SON MAÎTRE -
    Vous avez dit Claude Guéant ?
    Le Claude Guéant, si je ne me trompe pas, il était bien Directeur Général de la Police Nationale lui en 97 quand j’ai déposé contre mon ex voisin portugais, fausse licence de taxi à Agen, pour l’enlèvement de la petite Marion Wagon … ? Ensuite en 2004 Monsieur était bien au Ministère de l’intérieur Directeur de Cabinet de Nicolas Sarkozy quand j’ai retrouvé mon portugais de Marion à Guermantes dans la rue où a été enlevée la petite Estelle Mouzin … ? Comme le vil Sarko s’écrase lamentablement depuis huit ans, peut-être que ce Guéant pourra nous dire pourquoi le SRPJ Toulouse n’a jamais transmis ma déposition à la gendarmerie d’Agen, mais aussi pourquoi je n’ai jamais vu un seul flic ou gendarme et pourquoi les affaires Marion et Estelle ont été étouffées … et sur ordre de qui ?
    Le panier de crabes commence à s’alourdir singulièrement.
    Guéant, moi c’est Paul-Emile Charlton. Il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas.

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