mercredi 24 juin 2015

Une vie politique... (3)

Après des séjours en Israël et aux Etats-Unis, ma vie professionnelle me mena, de 1979 à 1990 au Gabon et en Belgique, pays dans lesquels je travaillais comme conseiller technique auprès de filiales de la compagnie française d’assurances qui m’employait. Bien entendu, je continuais à m’intéresser à la politique en général et à la France en particulier.

Je regardais la situation gabonaise avec les yeux d’un expatrié qui… ne veut pas voir la réalité. L'armée française était très présente bien que discrète, le Gabon étant le centre névralgique de l’influence française, non seulement en Afrique équatoriale, mais au-delà. Et notamment en Afrique de l’Ouest : au Bénin (ex-Dahomey français), la France aida les jeunes Béninois réfugiés à Libreville, la capitale gabonaise, et Paris, à mettre à bas le régime dictatorial de Kérékou… Le contact avec ces opposants au régime me permit de connaître la richesse de l'intelligentsia béninoise formée à Paris et ayant vécu mai 68 (il y avait plus de médecins béninois réfugiés à Paris que de médecins exerçant au Bénin !). J’avais des contacts étroits avec des juristes (l’un d’entre eux était mon adjoint) qui font aujourd’hui partie des dirigeants du Bénin, pays que l’on peut qualifier de démocratique depuis plusieurs années déjà. 

On sentait, dans ce Gabon, que je sillonnais de long en large, pour mon travail, l'emprise des 2 grandes multinationales, Shell et Elf-Aquitaine (sous le nom de sa filiale : Elf-Gabon), sur l'économie locale, mais également sur les dirigeants politiques. Quand on connait les autres richesses minières gabonaises (uranium, bauxite, minerai de fer...), exploitées par des sociétés françaises sous couvert de sociétés locales et de gabonisation des emplois comme paravent, on comprenait la richesse du Président et de tous ceux qui gravitaient autour de lui, de la même ethnie (Bateké) ou même de l'éthnie majoritaire fang. Deux anecdotes à ce sujet :
- une de mes employés, camerounaise et bamileké, exploitait quelques taxis dont les chauffeurs lui rapportaient la recette quotidienne, chaque soir. Je ne sais plus pour quelle raison, elle subit une importante perte financière,... toujours est-il qu'elle me raconta qu'elle était allée trouver Omar Bongo dans son bureau et, après avoir plaidé sa cause, le président fit montre de générosité (on ne sait pour quelle raison...), en ouvrant un tiroir de son bureau dans lequel regorgeaient des billets en francs CFA et en extirpa "une poignée d'argent" qu'il remit à Jeanne... Cette générosité de Bongo était de notoriété publique, comme sa fortune, d'ailleurs... mais avait toujours des raisons, politiques ou autres. 
- le directeur général de la société nationale gabonaise dont j'étais un conseiller, était de l'ethnie fang et c'est pour cela qu'il avait été nommé à cette fonction. Les primes d'assurances qui passaient par cette société qui venait d'être nationalisée, avec l'apport forcé de 3 sociétés de courtages françaises d'assurances, ne pouvaient qu'attirer le pouvoir gabonais. Ainsi j'avais refusé de régler un sinistre important manifestement volontaire (un bowling en état notoire de faillite et exploité par un "margoulin" français), ordre fut donné par la présidence au directeur de payer le sinistre. De telles pratiques, bien sûr, eurent une influence sur les résultats de la "Sonagar" (ainsi s'appelait la société) qui fut dénationalisée quelques années plus tard au profit d'une société étatsunienne... Je notais que devant le bureau du directeur, tous les jours, de nombreux Gabonais attendaient d'être reçus. J'appris qu'il s'agissait de membres de la famille (au sens très large) du directeur. Ces personnes venaient le plus souvent d'Oyem, la ville natale de M. Oyono, quatrième ville du pays, capitale du Nord et en plein pays fang, ethnie, je l'ai dit, dominante du pays. Bongo avait su se concilier les Fangs...
Pour beaucoup d'observateurs favorables à Bongo, cet argent donné autour d'eux par les dirigeants du pays était une sorte de redistribution des revenus. La polygamie existait au Gabon, parce que Bongo s'était, pour des raisons politiques, converti à l'Islam (il put ainsi facilement entrer à l'OPEP), qui autorisait d'avoir plusieurs femmes (quatre maximum selon la loi coranique).... Mais les personnalités avaient, outre les épouses, des maîtresses qu'ils entretenaient luxueusement : appartement, voiture, vêtement. L'entretien des enfants de ces liaisons officielles ou non faisait partie des obligations juridiques et morales. Ainsi, comme pour le directeur cité plus haut, les membres de la famille (cousins, enfants, épouses, maîtresses...) étaient gratifiés de revenus réguliers qui permettaient à nombre de personnes de vivre assez décemment... 
Revenu en France en 1990, plus particulièrement dans le Pas-de-Calais, il n'étonnera personne que le pouvoir féodal, fait de fiefs et de clientélisme, qui avait été mis en place par le PS, me fit penser au système d'obligés que j'avais connu au Gabon, sept ans auparavant.On se souvient de cette émission de télévision où le journaliste interrogeait des Liévinois qui avaient obtenu de leur maire, JP Kucheida, logement ou emploi. En échange, ils défendaient mordicus leur généreux premier édile... Pour rappel, c'est comme cela que des fiefs furent attribués par Percheron aux Mellick, Alexandre, Delelis...

A suivre

4 commentaires:

  1. Savez vous qui est l'employé protégé et pourquoi?

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  2. Ayant assisté à Lens en 1979 à une réunion qui se situait dans le cadre de la préparation du congrès de Metz du PS, je n'ai pas eu le sentiment que M. Delelis ait été le vassal de M. Percheron.
    M. Delelis avait alors invité François Mitterrand qui se vit attaquer par quelques militants soutiens de M.Percheron.
    Celui-ci interveint ensuite longuement pour, pensait-il, porter l'estocade.
    C'est là que j'ai découvert combien M. Mitterrand pouvait être redoutable en matière de rhétorique.
    Reprenant M. Percheron sur un point d'histoire, il glissa négligemment: "Vous êtes professeur d'histoire je crois..."
    Au pot qui suivit, on ne vit pas M. Percheron mais on vit bien M. Delelis.

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    1. Vous avez raison, À Delelis fut un des rares à essayer de résister à DP...

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    2. exact: ni André Delelis, ni Claude Wilquin qui fut pourtant un historique de la convention de institutions républicaines ne portaient Percheron dans leur coeur.
      Pour avoir entendu Claude Wilquin, alors député maire de Berck, dénoncer en privé je ne sais combien de fois les ambitions démesurées de celui qui est devenu président du conseil régional, mais qui était alors devenu celui qui faisait la pluie et le beau temps sur le Pas de Calais avec ses acolytes premiers couteaux Mellick et Kucheida.

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