mercredi 8 juin 2016

Un nouveau petit bijou d'"humour scientifique"...

Après cela, comment voulez-vous faire de l'humour ?

Un parachute est-il vraiment utile ?

L'Histoire des sciences et des techniques a retenu que, le 26 décembre 1783, le physicien français Louis-Sébastien Lenormand sauta du haut de la tour de l'observatoire de Montpellier avec un engin de son invention, une espèce de grand parasol qu'il baptisa parachute. Il sortit de l'expérience indemne. Même si ce dispositif a -désormais plus de deux siècles, il existe un grand silence à son sujet, un silence scientifique : jamais aucune étude comparative n'a été menée pour -mesurer avec précision l'apport du parachute à la survie de ceux qui en sont équipés. Pour dire la chose autrement : lorsque l'on saute d'une très grande hauteur, se casse-t-on en moins de morceaux si l'on parcourt le trajet jusqu'au sol sous une toile tendue que si on l'effectue en chute libre ?
Aucune étude ne le dit ! Une lacune inacceptable, car la science peut et doit tout mesurer, y compris ce qui semble évident, surtout ce qui semble évident… Après tout, il existe bien des cas de miraculés ayant survécu à des chutes vertigineuses et, à l'inverse, des histoires de morts en parachute. Comme l'explique avec humour un article publié par une équipe allemande dans le numéro de mai du European Spine Journal, cette lacune est principalement imputable à la déclaration d'Helsinki de l'Association médicale mondiale : consacré aux principes éthiques qui doivent s'appliquer " à la recherche médicale impliquant des êtres humains ", ce texte précise qu'" il est du devoir des médecins engagés dans la recherche " de protéger la vie de ceux sur qui on fait des expériences. Par conséquent, même s'il doit être assez -facile de trouver quelques olibrius assez décérébrés pour accepter de tester la résistance de leur squelette à un saut depuis le sommet de la tour Eiffel, la déontologie empêchera que le test soit mené.

Nos scientifiques allemands ont donc dû trouver autre chose et embaucher comme cobaye… " Erwin, le gentil patient ". Erwin est une poupée qu'outre-Rhin les parents offrent à leurs enfants quand ils leur prédisent un avenir de chirurgien ou de tueur en série (même si les qualités techniques requises sont semblables, les vocations s'avèrent légèrement différentes). Les bambins peuvent lui ouvrir le ventre pour jouer avec ses organes internes en tissu, puis tenter de les remettre à la bonne place.

Pour les besoins de l'expérience, les auteurs de l'étude ont tout retiré sauf le cœur et mis, en guise de foie, de rate et de vessie, trois ballons pleins d'eau, tandis que des baudruches remplies d'air jouaient le rôle de poumons dans le thorax. Les chercheurs ont également ôté la bourre qui garnissait la tête d'Erwin et y ont inséré deux autres ballons pleins d'eau pour mimer les hémisphères cérébraux. Ils ont construit, en briques de Lego, une colonne vertébrale ainsi qu'un bassin, puis ils ont balancé leur petit bonhomme reconstitué depuis une tour de vingt mètres de haut. Vingt-cinq fois accroché à un parachute. Et vingt-cinq fois sans.

Après chaque saut/gamelle, un véritable médecin légiste récupérait Erwin et vérifiait sa composition interne. Résultat : le parachuté n'a eu aucun traumatisme crânien et, pour ainsi dire, aucune blessure. S'il avait été humain, il aurait survécu à tous les sauts. On ne peut pas en dire autant de l'autre Erwin, qui s'est brisé les os et explosé les -organes plus souvent qu'à son tour. Pour les auteurs de l'étude, la science a parlé. Ils déclarent d'ailleurs, en conclusion, qu'" ils utiliseraient un parachute " s'ils devaient sauter d'une très grande hauteur. A l'unanimité.

Pierre Barthélémy
© Le Monde 8/6/2016

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